Il y a bien longtemps, dans un pays lointain,
Où tous les habitants se pensaient des gens biens,
Une jeune fille noire aux yeux de porcelaine
Leur appris sans le vouloir, méchanceté et haine !
Sa silhouette élancée troublait ces bonnes gens.
Les hommes l’attendaient aux coins des bois, fébriles,
Les femmes la regardaient marcher en la plaignant
Regardez, la traînée, sa peau noire la rend vile.
Mais de ces boniments, la belle se moquait
Elle n’avait qu’un amant ! Cela était parfait.
Et tous ces braves gens, ce jeune homme jalousé,
Pour son sourire ardent et sa joie affichés.
Un matin de printemps où fleurissaient les prés
Ce couple discordant filait l’amour parfait
Au coin d’une clairière sous le chant des oiseaux
Lui debout droit et fier, Elle le corps en morceaux.
A l’orée des feuillus, des yeux les surveillaient.
Un homme avait tout vu et déjà s’enfuyait.
En moins d’un demi-jour, une rumeur est née,
Et leur si bel amour est devenu péché !
Les langues s’enflammèrent à tous les carrefours,
Les mots méchants fusèrent et gonflèrent tout à tour.
Jusqu'à un paroxysme jamais connu naguère,
Rendant la belle triste et l’amant en colère.
Les coups suivirent les mots en le jetant à terre,
Il n’était pas héros, il mourut sans mystère.
La belle s’effondra les deux genoux en terre,
Et les autres malfrats continuèrent leur colère.
La vie s’était enfuie par un accès de haine
Et l’on ne verra plus ses yeux de porcelaine.
Il n’était pas minuit, dans ce pays lointain,
Quand les corps furent enfouis par beaucoup de gens biens ! …